Entretien avec Wilgeforte

Laurent précéda Wilgeforte dans son bureau.

Je vous en prie entrez. Il lui désigna un siège. Asseyez-vous. Un rafraîchissement ? Il passa la tête dans le couloir pour demander au frère Guillaume qu'on leur amène un flacon de vin de Bourgogne qu'il avait ramené de Nevers.

Alors ! Je vous écoute. Que puis-je pour vous ?

Wilgeforte suivit Laurent puis s'assit sur le siège désigné.

Ma foi, après cette longue route, ma gorge est des plus sèches.

Elle attendit qu'on la serve pis inclina légèrement le buste vers l'avant.

Monseigneur, j’ai été nommée il y a peu secrétaire française septentrionale. Ma première mission est de pourvoir au cruel manque d’ambassadeurs et nonces apostoliques dans le nord du royaume.
Je vais aller droit au but : cette carence est un désastre. Afin d’y pallier, je me suis fixé une obligation de résultats et compte m’y tenir.

C’est là que vous entrez en scène. Votre province recouvre les duchés de Champagne, d'Orléans et de Bourgogne, trois provinces temporelles où nous n’avons aucun ambassadeur ou nonce.
J’aimerais donc savoir si certains de vos clercs a un peu de temps à consacrer à la nonciature.

Wilgeforte sourit.

Monseigneur, je suis ravie de voir que Sens a à sa tête un prélat aussi consciencieux que vous.

Permettez-moi, en toute humilité, de vous donner un petit conseil pour votre recrutement. Si le diocèse possède déjà un vicaire diocésain ou un archidiacre, cette personne est toute désignée pour faire office de nonce ou d’ambassadeur.
Le rôle du nonce est de représenter Rome en son duché et, à ce que vous me dites, ils le font déjà. Cela ne devrait donc pas leur fournir une surcharge de travail et cela nous permettrait, à Rome, d’avoir un interlocuteur privilégié.

Par ailleurs, si, par un malheureux concours de circonstances, vous ne trouviez toujours personne, vous pouvez faire appel à un de vos fidèles les plus fervents et le faire postuler à la charge d’ambassadeur. Il vaut mieux une personne un peu inexpérimentée mais pleine de motivation que personne.

Après lui avoir rendu son sourire :

Une dernière chose avant de vous quitter, monseigneur. Y a-t-il dans votre palais archiépiscopal des lieux réservés à la nonciature apostolique ?

Dans ce cas, vous serait-il possible de me remettre un trousseau comportant les clefs de tous les bureaux privés de cette aile ?

Bien sûr ! Je dois avoir des clés par là. Il se dirigea dans un coin de la pièce où régnait un tas de coffres plus ou moins gros, des rouleaux de parchemins entassés et tout un tas d'objets hétéroclites. Il fouilla dans plusieurs coffres avant de trouver le bon. Ah ! Voilà ! Trouvons les bonnes clés maintenant... Voilà ! Il tendit à la secrétaire apostolique son trousseau de clés.

Wilgeforte saisit le trousseau.

Eh bien, monseigneur, je pense que notre entretien fut des plus fructueux. Je reviendrai vers vous d'ici quelques semaines afin de vous aider si vous peinez toujours à nous trouver des volontaires.

Quoiqu'il en soit, j'ai été enchantée de vous rencontrer.

Elle se leva.

Wilgeforte entra et alla baiser, un genou à terre, l'émeraude de l'archevêque.

Monseigneur, recevez mes meilleurs vœux pour cette année nouvelle. Merci de me recevoir à nouveau en votre palais archiépiscopal.

Puis, après s'être relevée :

Monseigneur, je viens vers vous afin de voir où en sont vos investigations sur un nonce en Champagne.

Je comprends, je comprends, monseigneur. Je viens ici pour vous aider dans votre recherche et non pour vous remonter les bretelles, soyez rassuré.

Peut-être vous serait-il plus facile de nous proposer l'un de vos clercs déjà en place que de chercher une personne uniquement pour le poste de nonce.
J'ai, à Rome, entendu dire beaucoup de bien de votre vicaire général, un certain Jean de Puisaye. Pensez-vous qu'il puisse être un bon nonce ?

Je comprends et j'apprécie. Certains diraient oui sans se soucier de fournir une personne réellement disponible à la nonciature.
Faites, faites, monseigneur. J'attendrai.

Qu'Il vous garde également, dit Wilgeforte avant de reprendre le chemin de Rome.