Arrivée d'Oscar, diacre de Patay

Assez fatigué par la route, le diacre de Patay se présenta à la porte de l'évêché de Nevers.

Bonjour, je suis le frère Oscar, diacre de Patay, pourrais-je rencontrer monseigneur Fitz ?

A peine retourné de sa retraite monastique il y a quelques jours, le prélat avait repris le "travail" en s'installant à son bureau et répondant aux diverses missives s'y étant accumulées depuis lors.

Le garde posté dans le couloir menant à son bureau entra soudain accompagné d'un homme qu'il annonça comme étant le diacre de Patay. L'évêque avait eu quelques bons échos de ce clerc, notamment via son autre garde installé à l'entrée du palais épiscopal. D'après lui, Patay était "une machine qui tourne".. Levant donc les yeux vers son invité, et enjoignant son garde à sortir, il tendit son bras en direction d'un fauteuil lui faisant face.

Bonjour, mon Frère. Comment allez-vous ?

Si cet homme avait fait déplacement jusqu'à Nevers, il y avait sans doute un but plus précis à cette réunion. Mais ils avaient le temps d'y venir. Tout d'abord : les politesses.

Oscar avait entendu dire que monseigneur Fitz était un prélat actif, c'est donc sans surprise mais avec plaisir qu'il constata qu'il n'avait pas à ettendre avant d'être reçu.

Il s'inclina respectueusement puis pris place dans le fauteuil que son hôte lui désignait.

Monseigneur, merci de trouver le temps de me recevoir si vite. J'ai du mal à vous exprimer la joie que cela me procure.

Répondant ensuite à la question, il enchaina.

Je vais très bien et ne déplore qu'une très saine fatigue qui résulte de mes charges et fonctions, tant au château d'Orléans que comme diacre et aumônier. Je suis même plus que comblé par le Très Haut car mes ouailles répondent en masse à mes appels aux sacrements qui peuvent les aider sur le chemin de la Foi, baptêmes et mariages. Peut-on demander plus quand on est clerc au service de Dieu ?

Oscar sourit.

L'homme avait la conversation assez agréable. Sans doute au point de faire sourire cordialement le prélat, qui avait pour habitude de rester majoritairement de marbre avec les inconnus. Souvent, l'évêque avait entendu la joie de paroissiens d'être reçu promptement ; il n'était pas naïf et savait qu'il s'agissait d'une conséquence de la trop grande désinvolture de beaucoup de prélats.. Il ne critiquerait jamais ses confrères devant de simples paroissiens ou clercs, mais il n'en pensait pas moins.

Il poursuivit son écoute attentive, ramenant ses mains sous son menton. Attentif, vous disais-je !

Et vous avez bien raison, mon Frère. Certains oublient que le bonheur d'un clerc réside dans la spiritualité de leurs paroissiens et non dans la paresse et le prestige de leur charge. Mais je suis ravi de comprendre que vous n'êtes point de ceux-là.

Le garde que j'ai posté à l'entrée du palais épiscopal m'a en effet confirmé à maintes reprises que vous guidiez Patay d'une main de maître. Ou tout du moins, êtes suffisamment charismatique que pour encourager vos paroissiens à faire le chemin jusqu'à votre bureau.

Faisant une pause dans son discours, le prélat en profite pour reposer son dos contre son fauteuil.. Jetant un regard plutôt perçant à son invité, il poursuit, non sans conserver son sourire :

Je suppose que vous n'êtes point venu jusqu'ici pour me faire part de votre joie en votre paroisse. Quelle est donc votre doléance particulière ?

Oscar écoutait avec attention ce prélat dont il avait entendu parler mais qu'il découvrait. A l'entendre il ne put s'empêcher de penser à SE Dariush qui l'avait formé et dont il regrettait souvent la disparition. L'entendant parler du garde à l'entrée de l'archevêché, il découvrit que les prélats avaient leur méthodes et leurs sources d'information.

Vous êtes trop bon monseigneur, je ne fais que mon office. J'avoue être assez d'accord sur le fait que la joie se trouve plus dans le regard des fidèles que dans les titres.

L'évêque s'enquit du pourquoi de sa présence, Oscar essaya de lui expliquer clairement alors que tout n'était pas bien clair dans sa tête.

Pas de doléances monseigneur mais comme un besoin pressant que je ressens régulièrement... Vous le savez sans doute, le diocèse d'Orléans n'a pas la chance d'avoir un évêque depuis longtemps, monseigneur Charles n'ayant fait qu'un bref passage avant d'être rappelé par le Très Haut. Nous n'avons même aucun curé ni même prêtre.

Vous l'avez dit, monseigneur, j'ai la joie d'officier dans une paroisse pieuse et animée. Il en est de même de la caserne dans laquelle j'officie comme aumônier. J'enchaîne pastorales, baptêmes, mariage et même des funérailles...

Oscar se dit qu'il avait assez tourné autour du pot.

Voilà monseigneur, j'ai peur... Par moment les doutes m'assaillent... Ce que je fais est-il bien fait ? Mes conseils sont-ils bons ? Mes prêches corrects ? Je n'ai personne vers qui me tourner. Je crois très profondément en la nécessité de pouvoir partager et profiter de l'expérience des plus sages. J'ai laissé quelques lettres a son éminence notre archevêque, mais je comprends bien que ses missions romaines ne lui laissent pas beaucoup de temps. Par ailleurs on m'a rapporté que nombreux étaient hélas les évêchés vacants ce qui me fait craindre que le notre le reste encore...

Voilà...

Or je suis actuellement en face de demandes encore plus complexes que d'habitude... Un de mes fidèles, frère Cathelineau, m'a fait comprendre qu'il envisage le diaconat. je lui ai bien sur conseillé de suivre le séminaire. Une autre me parait aussi sur ce chemin.

Pouvez-vous m'aider à juger de leurs capacités ? Et pouvez vous le cas échéant m'expliquer qui est en droit de nommer des diacres dans le diocèse ? J'ai peur que mon envie d'assistance et de partage trouble mon jugement.

Je sais que ce n'est pas votre mission directe, mais j'ai tant besoin de conseils...

Bien que les demandes du diacre étaient pour le moins originales, le prélat ne fut pas aussi surpris que l'on aurait pu le croire.. Sans doute car il était de nature à apporter son aide à tout qui lui demande..

Au fil de l'explication, il hoche de ci de là de la tête, réfléchit déjà aux mots qu'il prononcera à la suite.. Il ne devait pas outrepasser ses droits, mais il se sentait dans le devoir de ne pas laisser ce clerc sans marque aucune à suivre..

Tout d'abord, sachez qu'à l'avenir, vous pourrez toujours vous tourner vers ma personne en vue d'obtenir conseils, ou de répondre à certains questionnements, ou encore de vous rassurer face à des hésitations. Même en n'étant point votre supérieur hiérarchique, je reste un homme d'Eglise qui se veut disponible pour ses confrères, de tous rangs. Récemment, la diaconesse de Blois a effectué démarche identique et je lui ai répondu par la pareille, exception faite d'un langage pour ma part plus familier, étant donné qu'elle figure parmi mes connaissances proches..

Puis l'évêque s'éclaircit la voix afin d'entamer la suite d'une traite..

En ce qui concerne votre problème actuel, j'ai peur de ne pas bien saisir votre demande.. Désirez-vous que je vous accompagne à Patay afin de vous aider à évaluer le potentiel de futurs diacres ?

Dans tous les cas, comme vous avez sans doute dû l'apprendre au cours de votre séminaire primaire, en absence d'évêque suffragant à la tête du diocèse d'Orléans, votre supérieur hiérarchique direct suivant se retrouve en la personne de votre archevêque métropolitain, qui n'est autre que Son Eminence Vincent. Toutefois, comme vous l'avez précisé, ce dernier me paraît fort, voire trop, occupé par d'autres charges, au point d'en délaisser quelque peu la gestion de son propre archidiocèse.. Un peu trop, à mon goût, entre nous..

Un discret soupire se faufile à travers ses lèvres..

Voici donc ce que je peux déjà commenter.. Je pourrais recevoir en entretien vos deux paroissiens puis envoyer missive directe à l'archevêque afin de les faire nommer. Il n'aurait ainsi pas de surcharge de travail, en se fiant à mon jugement.

Concernant les capacités de vos candidats, elles seront normalement de niveau adéquat une fois qu'ils auront suivi un séminaire primaire. Ne reste donc plus qu'à évaluer leur personnalité, leurs envies, leurs motivations, ou d'autres choses de cet acabit. Et en effet, je peux comprendre vos doutes car il s'agit là de tâches dédiées à un évêque, non à un diacre.

Un point à éclaircir néanmoins : vous me parlez de deux diacres potentiels. Or une paroisse ne pourrait être menée par trois diacres de front. Deux tout au plus. Il faudrait donc sonder vos deux paroissiens afin de voir si l'un d'eux serait peut-être intéressé par un diaconat dans une autre paroisse orléanaise, ... ou ailleurs, dans le diocèse voisin de Nevers par exemple...

Sourire en coin.. Mais il conclut tout de même :

A force de parler tant, j'en oublie parfois l'essentiel.. Ai-je répondu pleinement à vos interrogations ? Et avez-vous peut-être d'autres hésitations auxquelles je pourrai répondre ?

Oscar écouta très attentivement la longue réponse de l'évêque. Il hocha même la tête à plusieurs reprises, heureux d'être si bien compris.

Le première partie de l'intervention le comblait déjà.

Ah monseigneur, que le Très Haut soit remercié de votre bonté. C'est effectivement important d'être guidé, je crains tant les pièges vicieux de la créature sans nom. Sans en abuser je l'espère je saurai me tourner vers vous.

Aller à Patay, Oscar n'avait même pas imaginé oser une pareille demande... Il écouta la suite.

Monseigneur, mes paroissiens Cathelineau et Hermeline étant, je crois, élèves au séminaire, je pensais que vous pourriez jeter un coup d’œil sur leur travail... Mais c'est effectivement une excellente idée que de vous les envoyer en entretien. Chacun doit savoir rester à sa place et je ne crois pas qu'un diacre ait les compétences d'un évêque pour juger les personnes qui souhaitent entrer au service du Très haut et de l’Église.

Le droit canon, effectivement monseigneur Fitz ne lui apprenait rien. Il avait tant lu les textes que par moment il avait l'impression d'avoir participé à leur écriture. Il chercha à formuler sa position en trouvant le célèbre juste milieu.

Je sais effectivement monseigneur qu'il ne peut y avoir plus de deux diacres dans une paroisse. Je vais essayer d'exprimer ma pensée, et ne croyez surtout pas qu'elle exprime une quelconque lassitude dans le service religieux. Si un des deux a les capacités et la vocation de devenir prêtre et curé je serai le plus heureux des hommes. Si les deux ont la vocation, je proposerai à son éminence de les nommer tous les deux, je serai toujours en ville auprès d'eux et de plus j'ai aussi la charge d'aumônier de l'ost d'Orléans à laquelle j'attache de l'importance.

Je ne voudrai surtout pas cumuler et bloquer une vocation, elles sont si précieuses. Et pour en revenir au début de notre entretien, je ne suis pas à la recherche de titres ou d'honneurs.

Oscar sourit, espérant être compris.

Il n'avait en effet guère envisagé la possibilité qu'on lui demande d'aller au Séminaire vérifier le travail de certains élèves. Mais il s'agissait d'une option tout à fait faisable, si l'on oubliait la vexation qui pourrait naître chez Frère Lepirate, imaginant peut-être qu'on ne lui faisait point confiance... Il faudrait agir avec diplomatie.. d'autant qu'il ne faisait en réalité pas confiance aux capacités du Doyen du séminaire pour diriger un tel organisme et instruire tant de vocations.

Mmmh.. Mon Frère, voilà en effet une bonne suggestion.. Je passerai donc sans doute en visite un jour au séminaire de Sens afin de m'enquérir de l'avancée de l'étude de vos deux paroissiens. Sans pour autant forcer ma présence auprès de Frère Lepirate, bien entendu.

Vous pourrez ensuite les envoyer à Nevers à la fin de leur séminaire. Nous nous rencontrerions alors dans d'autres circonstances, davantage propices à des discussions moins formelles, autour de leurs motivations.

Et à la suite, il répond, non sans être légèrement surpris :

Je vois.. Mais j'espère que si le futur arrive comme vous le présentez là, il ne vous voit pas empli de remords par la suite d'avoir laissé une charge qui vous tenait à cœur par l'aide que vous apportez actuellement. Car peut-être à l'avenir les soldats de l'OST se feront moins nombreux à vous quérir et peut-être sombrerez-vous dans une certaine lassitude ou paresse ou encore dans l'ennui, que je ne vous souhaite pas le moins du monde. Mais je suppose que ces situations que vous me décrivez sont déjà mûrement réfléchies.

Toujours attentif, Oscar écoutait la réponse de l'évêque.

Je ne sais comment vous remercier de tous vos bons conseils monseigneur. Je serai le plus heureux des hommes si il y a plus de demandes que de postes à Patay !

Mais je ne vais pas prendre plus de votre temps. Je m'en vais retourner à Patay et prier pour avoir un évêque rapidement mais soulagé de savoir pouvoir compter sur votre aide.

Muni d'un sourire pour conclure l'entretien, le prélat s'entend répondre :

Je suis heureux d'avoir pu vous rendre service. J'espère aussi vous avoir quelque peu rassuré.

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